Une découverte archéologique majeure au Maroc lève le voile sur une société agricole ancienne, jusque-là méconnue, datant de la fin du Néolithique. Cette révélation montre l’importance du Maghreb dans l’émergence des premières sociétés agricoles complexes, mettant en lumière une nouvelle facette de l’histoire méditerranéenne.
Le Maghreb, un acteur central de la préhistoire méditerranéenne
Le Maghreb a toujours été reconnu comme une région stratégique de la préhistoire en raison de son climat méditerranéen, de sa proximité avec le Sahara et de ses connexions avec l’Europe par le détroit de Gibraltar. Pourtant, la période entre 4000 et 1000 avant J.-C. restait mystérieuse, marquée par un manque de connaissances sur les civilisations ayant prospéré dans cette région.
Pour combler cette lacune, une équipe d’archéologues dirigée par Youssef Bokbot de l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (INSAP) du Maroc, en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Cambridge et du Conseil National de la Recherche en Italie, a mené des fouilles dans la vallée de l’Oued Beht. Ces fouilles ont permis de découvrir les vestiges d’une société agricole étendue, fournissant des preuves significatives de la prospérité du Maghreb durant la fin du Néolithique.
Une société agricole avancée mise au jour
Les vestiges découverts à Oued Beht révèlent une société agricole avancée. Les archéologues ont mis au jour des restes de plantes et d’animaux domestiqués, des poteries ainsi que des outils en pierre, témoignant du mode de vie des habitants de cette région. Ce qui distingue particulièrement ce site, c’est son ampleur : il s’agit du plus grand complexe agricole de cette période en Afrique, en dehors de la vallée du Nil, et il est comparable en taille à la célèbre ville de Troie au début de l’âge du bronze.
Les fouilles ont également révélé des fosses de stockage profondes, signe de l’organisation complexe de cette société et de sa maîtrise de la conservation des ressources alimentaires. Ces structures de stockage rappellent celles découvertes en Ibérie, sur l’autre rive du détroit de Gibraltar, mettant en évidence des échanges préhistoriques entre l’Afrique et l’Europe, notamment par l’importation d’ivoire et d’œufs d’autruche.
Le Maghreb réévalué : un acteur majeur de la préhistoire
La découverte d’Oued Beht bouleverse les conceptions traditionnelles de la préhistoire de la Méditerranée et de l’Afrique du Nord. Jusqu’à présent, l’histoire méditerranéenne se concentrait principalement sur les civilisations classiques telles que la Grèce, Rome et l’Égypte ancienne, reléguant le Maghreb au rôle de région périphérique. Cette nouvelle découverte révèle que le Maghreb était un acteur central dans l’émergence des premières sociétés agricoles du bassin méditerranéen.
Le professeur Cyprian Broodbank, l’un des chercheurs principaux de l’étude, explique l’importance de cette découverte : « Depuis plus de trente ans, je suis convaincu que l’archéologie méditerranéenne a omis quelque chose de fondamental dans la période préhistorique tardive de l’Afrique du Nord. Aujourd’hui, nous savons enfin que c’était vrai. Nous pouvons commencer à réfléchir de manière nouvelle, en reconnaissant la contribution dynamique des Africains à l’émergence des premières sociétés méditerranéennes. »
Une nouvelle perspective sur l’histoire du Maghreb
L’étude, publiée dans la revue Antiquity, ouvre ainsi de nouvelles perspectives sur l’histoire ancienne de l’Afrique du Nord. Elle met en évidence non seulement l’existence d’une société agricole avancée, mais également son rôle essentiel dans les réseaux d’échanges qui ont façonné la Méditerranée préhistorique. Cette découverte montre que le Maghreb n’était pas isolé, mais qu’il participait activement aux échanges et au développement culturel de l’époque.
Le Maghreb, un berceau de civilisations complexes
La découverte de cette société agricole en Oued Beht apporte une contribution majeure à notre compréhension de l’histoire du Maghreb et de la Méditerranée. En démontrant l’existence d’une civilisation complexe et organisée, capable de gérer des ressources agricoles à grande échelle, cette découverte réévalue le rôle du Maghreb dans l’émergence des premières sociétés méditerranéennes.
Loin d’être une simple région périphérique, le Maghreb s’impose comme un berceau de civilisations complexes, connectées au reste de la Méditerranée. Ces nouvelles données invitent les chercheurs et le grand public à porter un regard renouvelé sur l’importance du nord-ouest de l’Afrique dans le développement des sociétés humaines et ouvrent la voie à de futures recherches pour mieux comprendre ces sociétés fascinantes qui ont marqué l’histoire ancienne.