Malgré les récentes pluies diluviennes qui ont temporairement rafraîchi le paysage marocain, le pays continue de faire face à une crise de sécheresse alarmante. En 2024, le Maroc enregistre sa sixième année consécutive de sécheresse, un phénomène qui menace directement l’approvisionnement en eau potable des villes et la viabilité des terres agricoles. Si le gouvernement investit dans la construction de nouveaux barrages pour pallier la baisse de la pluviométrie, cette stratégie pourrait s’avérer insuffisante, voire contre-productive.

Maroc : Pourquoi la construction de nouveaux barrages ne suffira pas a vaincre la secheresse

Une sécheresse structurelle qui perdure

Depuis 2018, le Maroc traverse une sécheresse structurelle qui s’intensifie chaque année. En 2022, le pays a enregistré une baisse de 30 % des précipitations par rapport à la moyenne des trois dernières décennies. Cette diminution drastique des ressources en eau a conduit à des coupures d’eau dans de nombreuses régions, mettant en lumière la fragilité de l’approvisionnement en eau potable. En août 2024, par exemple, les habitants de Béni Mellal, une ville de 6 500 habitants au nord-est de Marrakech, ont dû faire face à une coupure d’eau de trois jours, soulignant l’urgence de la situation.

Face à cette crise, le gouvernement marocain s’est engagé dans un vaste programme de construction de barrages, espérant compenser la baisse des précipitations et garantir un approvisionnement en eau stable pour les populations et les agriculteurs. Mais cette stratégie soulève des questions : est-elle réellement efficace face à une aridité de plus en plus persistante ?

L’efficacité limitée des barrages en contexte de sécheresse

Actuellement, une vingtaine de nouveaux barrages sont en construction à travers le pays, s’ajoutant aux infrastructures existantes. Si les barrages ont longtemps été perçus comme des solutions efficaces pour gérer l’eau et garantir une certaine sécurité hydrique, leur utilité dans un contexte de sécheresse prolongée est de plus en plus remise en question.

Les barrages retiennent de grandes quantités d’eau, mais dans des climats arides comme celui du Maroc, une partie considérable de cette eau s’évapore rapidement sous l’effet des températures élevées. Cette évaporation importante réduit la quantité d’eau réellement disponible pour l’irrigation des terres et l’approvisionnement des villes. De plus, les coûts associés à la construction et à l’entretien de ces barrages sont élevés, tandis que les bénéfices semblent de plus en plus limités face aux effets exacerbés du changement climatique.

Dans certaines régions, des milliers d’hectares de terres agricoles restent asséchés, tandis que d’autres doivent être irrigués avec une eau dont le coût devient prohibitif pour de nombreux agriculteurs. Les retenues d’eau, qui devraient servir à préserver les ressources, finissent par aggraver la situation des producteurs locaux en raison de leur inefficacité à répondre aux besoins en eau.

Les limites d’une stratégie centrée sur les infrastructures

Les experts s’accordent à dire qu’une stratégie centrée uniquement sur la construction de barrages n’est pas suffisante pour répondre à la crise hydrique marocaine. Le pays doit désormais envisager des solutions alternatives et complémentaires, qui ne se contentent pas d’accumuler des infrastructures, mais qui cherchent également à gérer la demande en eau de manière durable.

L’agriculture, qui représente environ 85 % de la consommation totale d’eau au Maroc, est au cœur de la problématique. La modernisation des techniques d’irrigation est une piste essentielle pour réduire la consommation d’eau. Des méthodes telles que l’irrigation au goutte-à-goutte permettent une utilisation plus efficace des ressources en eau, minimisant les pertes par évaporation et maximisant l’efficacité des cultures.

Vers une gestion durable des ressources en eau

Outre l’amélioration des systèmes d’irrigation, la réhabilitation et la protection des ressources naturelles doivent être au cœur de la stratégie hydrique du pays. La restauration des nappes phréatiques, la protection des zones humides, et la promotion de techniques d’agroforesterie sont des mesures qui peuvent contribuer à régénérer les sols et à favoriser l’infiltration de l’eau, augmentant ainsi la résilience des territoires face aux périodes de sécheresse.

Les experts en hydrologie soulignent également l’importance de sensibiliser les populations à la gestion de l’eau. Encourager des comportements économes en eau, tant au niveau individuel qu’industriel, pourrait permettre de réduire la pression sur cette ressource déjà rare. La mise en place de systèmes de tarification incitative pour l’eau, visant à encourager les économies, et la réduction des fuites dans les réseaux de distribution sont des actions qui pourraient contribuer à mieux gérer la ressource.

Une solution à long terme : repenser le modèle agricole

Une autre solution envisageable pour répondre à la sécheresse au Maroc est de repenser le modèle agricole. Le pays est encore largement dépendant des cultures consommatrices d’eau, comme les agrumes et les cultures fourragères. Pour faire face à la rareté croissante de l’eau, il est nécessaire de diversifier les cultures et de privilégier des espèces plus résistantes à la sécheresse. Certaines plantes, comme les oliviers, la vigne ou certaines céréales, sont mieux adaptées aux conditions arides et pourraient offrir une alternative durable aux cultures actuelles.

Le développement de l’agriculture pluviale, qui repose sur l’utilisation des eaux de pluie, peut également constituer une alternative viable. Bien que cette forme d’agriculture reste dépendante des conditions climatiques, elle peut être une solution complémentaire dans les régions où la construction de barrages et l’irrigation intensive ne sont pas envisageables.

Une adaptation nécessaire pour un futur résilient

La construction de nouveaux barrages au Maroc, bien qu’importante, ne peut être considérée comme la seule solution pour surmonter la crise de l’eau. Pour garantir la sécurité hydrique du pays face aux changements climatiques et à la sécheresse persistante, il est nécessaire de diversifier les approches, en alliant infrastructures, gestion durable de la demande, modernisation agricole, et sensibilisation des populations.

L’avenir du Maroc dépend de sa capacité à s’adapter à ces nouveaux défis et à transformer sa gestion de l’eau pour répondre aux besoins de ses populations et de ses agriculteurs. Seule une stratégie intégrée, combinant des solutions techniques, naturelles et sociales, pourra permettre au pays d’échapper à sa désertification et d’assurer un avenir résilient en matière de ressources en eau.

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